Francine Shapiro

In Memoriam

Le récent décès de Francine Shapiro a laissé bon nombre de practitioners en EMDR bien tristes. Son apport pour le monde de la psychothérapie est énorme et sa découverte majeure continuera, c’est certain, à évoluer encore et encore dans les années à venir. Les potentialités de l’EMDR sont considérables et il est fort à parier que plus on connaîtra le fonctionnement du cerveau plus on pourra exploiter l’EMDR pour permettre à de nombreuses victimes de retrouver goût à la vie.

 

Nous souhaitons ici proposer aux practitioners de déposer un témoignage ou un hommage à cette grande dame. Comme une carte blanche, un espace où l’on peut se souvenir de son parcours pour apprendre l’EMDR, ce que cela a changé pour nous ou ce que l’approche a apporté à nos patients. Ou plus humblement remercier Francine Shapiro. 

 

A titre personnel, l’EMDR a modifié ma perception de la thérapie. C’est avant tout un raisonnement que j’ai acquis petit à petit et qui me permet de remonter le fil rouge de l’histoire du patient pour trouver quel événement a été trop difficile à classer par son cerveau. L’EMDR apporte une rigueur mais permet aussi une belle créativité et je me retrouve parfaitement dans cette approche. Ce fut pour moi le début de tout un cheminement, professionnel d’abord mais personnel aussi. Il est beaucoup plus facile de se comprendre quand on connaît les arcanes de l’EMDR.

 

Alors chers membres, puissiez-vous également prendre le temps de déposer vos témoignages. Au-delà de l’hommage, les témoignages pourraient aussi servir à d’autres personnes, professionnels de la santé mentale, ou patients. Et qui sait, de nombreuses guérisons pourraient en surgir.

 

N’est-ce pas là finalement le plus bel hommage que nous puissions rendre à Francine Shapiro, celui de la transmission?

 

Pour le comité communication

 

Cécile De Ridder

Francine Shapiro, une femme d’exception !

 

Ma première rencontre avec l’EMDR date de 2016.  A l’époque, je travaille dans un hôpital.  Une  patiente me témoigne d’un bouleversement majeur dans sa vie depuis sa rencontre avec une psychothérapeute qui pratique les mouvements oculaires. Intriguée, je m’informe et découvre alors l’immense travail  de Francine Shapiro.  Une nouvelle lecture du diagnostic différentiel m’était donnée.  Le trauma se révélait, d’une part, fondé comme concept clinique à part entière, d’autre part à traiter pour tous …. Les défis théoriques et thérapeutiques se trouvèrent, alors, foncièrement modifiés. Une découverte inouïe se présentait là, absolument nécessaire à un croisement de mon parcours professionnel et personnel.  Il y eut ce moment dans ma vie, il y aura l’effet. Ce qui se produisit remania mon existence.

 

 

A l’hôpital donc, j’exerçais une fonction de psychologue, responsable d’un secteur d’activités thérapeutiques. Ma priorité consistait à soutenir la mise en oeuvre d’espaces transitionnels à travers différents médias culturels et artistiques. Les singularités des différentes approches ont forcé le constat suivant: pour certains patients anorexiques en particulier, ces espaces dits transitionnels n’étaient ni intégrés, ni élaborable. Ils ne pouvaient donc s’en servir, ni pour se penser eux-mêmes, ni pour penser le monde.  Impasse pour les soignants. Impossibilité de faire coïncider une évolution notable dans la prise en charge avec un changement dans la prise de poids. Malgré la trajectoire d’une parole plus fluide auprès du psychologue tant individuel que familial; malgré une curiosité de plus en plus affirmée pour les choses de la vie… le symptôme tragique de la perte de poids imposait son effroyable progression. Le lien ne se fait pas entre l’immobilisme morbide du symptôme et le mouvement de vie que l’on observe cliniquement . 

 

Cette inertie qui occupait une part importante de mon espace professionnel résonnait, de façon prégnante, dans mon propre cheminement intérieur. Saisir à bras le corps les mots et les concepts de Francine Shapiro s’est révélé une nécessité. Sa posture, ses propos, rencontrés à cette étape de ma trajectoire, vont déplacer mes fondements, mon regard sur mes identités. En 2017, je terminais ma dernière évaluation pour devenir  EMDR Practitioner. Ma pratique se voit à jamais transformée. Enfin, j’ai pu créer dans l’acte thérapeutique un lien entre dimension morbide du symptôme et certains mouvements de prises de consciences. Cela avec une récurrence d’effets cliniques jusqu’alors inégalés.  Á travers ceux-ci il apparait que la substance axiomatique du seul protocole de Francine Shapiro reste intacte. Cela malgré le  potentiel incroyable d’autres protocoles qui l’intègrent (traumas récents et anciens, traumas intergénérationnels) , liés principalement à la théorie de la dissociation.  J’ai souhaité donc prolonger cette ascension d’un travail individuel passionnant autant qu’ effectif dans mon devenir intime. De nombreuses formations auxquelles j’ai participé témoignent d’une dimension supplémentaire aux protocoles de départ de Francine Shapiro pour une compréhension clinique et thérapeutique des troubles rencontrés. Le génie de Francine Shapiro se confirme comme socle des théorisations qui lui succèdent. Longtemps, je me nourrissais de la certitude qu’un jour je rencontrerais cette femme d’exception. Que l’occasion me serait donnée de témoigner de ma dette à son égard. À présent, le coeur serré, je partage celle-ci avec vous.

 

Vous qui, comme moi, empreintes d’elle qui la prolongent, se désirent responsables, dignes autant que possible de son génie précurseur. 

 

Charlotte Laplace.

(Brooklyn, 18 février 1948 – décédée 16 juin 2019)

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